Définition de la perte de chance

 

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Source image : Droit & Successions

Cette définition de la perte de chance a été rédigée par Talal Hajj, juriste, avec l’aide d’un Avocat en droit des successions.

1/ Définition de la perte de chance

La perte de chance est une notion d’origine prétorienne. Elle ne dispose d’aucune définition législative.

La jurisprudence l’a défini comme étant « la disparition, …, de la probabilité d’un évènement favorable »[1]. Cette définition qui fondait la perte de chance sur une probabilité, a évolué au cours du temps, de sorte que la nouvelle définition exige une « possibilité d’un évènement favorable »[2]. Cette évolution de la notion est significative car elle nous renseigne désormais sur le caractère certain que doit présenter la perte de chance afin d’être indemnisable. Cependant, la jurisprudence est revenue sur cette subtilité en affirmant que « la perte de chance implique seulement la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain » (Cass, 1ère civ, 7 avril 2016, pourvoi n° 15-14888).

Ces différentes définitions de la perte de chance retenues permettent de constater l’existence d’un contentieux abondant en la matière. Le caractère raisonnable de la probabilité relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

2/ La perte de chance dans le code civil

Le champ d’application de la notion de perte de chance est vaste. Il permet d’inclure la responsabilité civile au sens large à savoir la responsabilité contractuelle[3] et la responsabilité extracontractuelle[4].

Cependant, le code civil nous renseigne sur un cas particulier de perte de chance qui n’est pas indemnisable :

L’article 1112 al 2 du code civil dispose qu’« en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. » Donc selon cet article la rupture abusive des négociations ne permet d’aboutir qu’à l’indemnisation des frais occasionnés par la victime de cette rupture. Cet article constitue une codification d’une jurisprudence antérieure[5].

Hormis ce cas de figure, le code civil n’envisage pas de limitation à la réparation de la perte de chance.

3/ L’indemnisation de la perte de chance

Étant donné que la perte de chance constitue un préjudice subi par la victime, cette dernière doit prouver le caractère certain et direct du préjudice afin que celui-ci soit réparable. Le régime de l’indemnisation de la perte de chance est déterminé par la jurisprudence[6].

La certitude du préjudice subi permet d’écarter le préjudice hypothétique qui n’est pas réparable. Il doit être certain, ou du moins assorti d’une probabilité raisonnable[7]. Il est indifférent que le préjudice soit existant ou futur.

Des difficultés persistent quant au calcul du montant des dommages et intérêts dus à la victime. La jurisprudence opère une distinction entre l’indemnisation de la perte de chance et le quantum du gain manqué. En aucun cas, l’indemnisation de la perte de chance n’est égale à l’avantage qui aurait été tiré si l’évènement s’était réalisé[8].

4/ Un contentieux abondant illustrant la notion de perte de chance

La matière est riche en illustrations jurisprudentielles. On citera quelques-unes sans prétendre à l’exhaustivité.

  • La responsabilité du médecin pour perte de chance de survie du patient lors d’une opération chirurgicale.
  • La responsabilité d’un avocat pour perte de chance de réussite d’une action en justice.
  • La responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation d’information caractérisant une perte de chance de conclure un contrat d’assurance garantissant un prêt immobilier plus avantageux[9].
  • Refus d’indemnisation d’un candidat qui a perdu la chance de se présenter à un concours dès lors qu’il a la possibilité de s’inscrire une nouvelle fois audit concours[10].

Au regard de l’hétérogénéité de la jurisprudence et de l’insécurité juridique qu’elle peut parfois susciter, il aurait été préférable qu’un cadre légal plus stricte soit posé afin de pouvoir encadrer davantage cette notion toujours fuyante.

 

Autres définitions de droit général :

 

[1] Cass. crim., 18 mars 1975

[2] Civ. 1re., 21 nov. 2006 n° 05-15.674

[3] Art. 1231-2 nouveau du code civil

[4] Art. 1240 nouveau du code civil

[5] Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 26 novembre 2003, 00-10.243 00-10.949

[6]Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, no 12-22567

[7] Ibid. n°4

[8] Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 27 mars 1973, 71-14.587 et CA Montpellier, 1re ch., sect. C, 10 déc. 2019, no 17/00707.

[9] Cour de Cassation, chambre civile 2, du 20 mai 2020, 18-25.440

[10] Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 24 juin 1999, 97-13.408

 

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